L’une des tâches centrales en tant que Product Manager est de savoir prioriser les efforts de son équipe. Je ne sais pas pour vous, mais je me mets énormément de pression sur cette étape. Et si je faisais une erreur ? Et si je priorisais quelque chose au détriment d’une fonctionnalité qui pourrait nous rapporter plus de client ? Lors de mes premières années en tant que PM, je me suis retrouvée plusieurs fois devant l’exercice de la mise à jour des priorités et roadmap. Et à chaque fois, j’y passais énormément de temps, car en même temps, j’essayais de comprendre chaque facette de mon produit, de les pondérer les uns aux autres.
Et un jour, je suis tombée sur la Maturity Table de GitLab. J’ai beaucoup aimé cette méthode qui permet de facilement partager une vision mais aussi de donner un outil de travail et de fournir un cap aux équipes.
Le contexte de mon expérimentation
Histoire de mieux situer la rédaction de cette Maturity Table, je vous présente la Blue Corp. La Blue Corp est une entreprise proposant une plateforme: le Mentaverse, qui vous permet d’explorer les méandres de votre esprit et d’interagir avec votre subconscient de manière inédite. Cette plateforme est à la fois disponible en mode SaaS et en mode auto-hébergé.
J’ai rejoint cette entreprise il y a de cela un an en tant que PM. Si au début, je travaille sur quelques fonctionnalités pour me faire la main, au bout d’un moment, ma hiérarchie me demande de revoir intégralement le produit auto-hébergé, qui souffre de nombreux problèmes et peine à installer une vision.
Au début, je reprends les méthodes que l’on m’a enseigné dans mes recherches produit précédentes:
- récupérer autant de témoignages utilisateurs que possible, auprès de nombreux intervenants, des prospects, des clients existants ou même des personnes qui avaient déjà de l’expérience dans les logiciels auto-hébergés,
- jeter un oeil aux demandes support qui étaient remontées à mon équipes, en extraire des données chiffrées pour voir les principaux points de friction du produit, etc.,
- écouter les demandes des équipes commerciales, qui étaient le mieux placés pour connaître les points de friction à la vente du produit.
Tout cela me permettait de construire ma roadmap trimestre après trimestre, de construire des OKRs métiers en lien avec les besoins utilisateurs mais il était complexe pour moi de me projeter à plus long terme sur mon produit. Je courrais d’une fonctionnalité à une autre, en étant plus réactive que proactive.
Jusqu’à ce que mon management me demande justement de leur fournir une roadmap sur un an. Je n’avais plus le choix, il fallait sauter dans le grand bain et trouver une manière de faire les choses de manière pereine. Je devais aussi faire en sorte que cette roadmap ne soit pas une documentation impossible à mettre à jour et qui prendrait plus de temps à corriger qu’elle n’en ferait gagner à mettre à utiliser.
Construire la table de maturité
Diviser le produit en catégorie et fonctionnalités
La première étape a été de diviser le produit en élément majeurs avec des fonctionnalités sous-jacentes.
Après une nouvelle série d’interviews utilisateurs, je me suis basée sur leur contenu pour les organiser en lien avec les préoccupations de nos clients. Cela a eu pour résultat une énorme carte mentale de mon produit, avec pleins de mot clefs dans tous les sens.
Une fois tous ces éléments identifiés, je les ai organisés en grandes catégories majeures:
(images de la mind map avec les mots reliés les uns avec les autres)
Les avantages de cette techniques sont multiples:
- fractionner un produit de grande ampleur en catégorie majeure et en brique fonctionnelle, pour avoir une meilleure vision du paysage,
- s’organiser en fonction des différents sujets que l’on souhaite prioriser,
- transmettre cette vision complexe du produit à n’importe quelle personne.
Par contre, une fois construite cette liste, on se retrouve avec une énorme bazar dans tous les sens, l’étape suivante est de mettre un peu d’ordre là dedans.
Le modèle de maturité
La maturité est une mesure de la capacité du produit dans un domaine particulier. Il existe différentes échelles pour mesurer la maturité d’un produit ou d’une technologie.
De mon côté, nous avons choisi de construire une échelle simple, qui va de 0 à 5, permettant d’évaluer le niveau de services sur un sujet :
- Un score de 0 signifie que nous ne mettons rien en œuvre ou que nous ne proposons pas de services particuliers.
- Un score de 5 indique que nous faisons un excellent travail et que le produit est stable.
Tout cela nous a permis de:
- disposer d’une méthode d’évaluation claire et simple,
- pouvoir communiquer sur la maturité de chaque sujet et en discuter collégialement,
- être capable d’estimer la quantité d’efforts à fournir pour augmenter le score point par point.
Estimer la priorité pour chaque catégorie et brique fonctionnelle
Dernier élément important, savoir qui faire passer en premier. En effet, pour les clients, le système d’installation n’est pas aussi important que la manière de
Nous l’identifions grâce à la connaissance des clients, aux entretiens et à la recherche.
Pour la noter, nous utilisons P0, P1, P2,…
- P0 est un sujet critique, un état majeur pour les clients, et qui doit être irréprochable pour nous, afin de ne pas nous apporter trop de soutien. Son score de maturité devrait être d’au moins 3 et nous devrions viser à l’augmenter à 4 dans l’année à venir.
- P1 est un sujet majeur, toujours important pour les clients et les gardiens. Il aide beaucoup dans le cycle de vie du produit. Son score de maturité devrait donc être de 2 et nous devrions viser à l’augmenter à 3 au cours de l’année prochaine et planifier régulièrement des coups de pouce pour le faire mûrir facilement.
- P2 et P3 sont des sujets intéressants qui peuvent devenir des priorités plus tard. Il n’est pas nécessaire de s’occuper de leur maturité dans l’urgence, mais nous devons avoir une vision à long terme pour eux.
- P4 regroupe des sujets qui existent mais pour lesquels nous n’avons clairement pas la capacité de les traiter (humainement et/ou techniquement). Nous les gardons à l’esprit pour la future feuille de route, mais il ne s’agit clairement pas d’une urgence.
Cette approche permet:
- Ajouter une vision centrée sur le client pour prioriser les sujets.
- Ouvrir le débat sur la façon dont nous priorisons chaque sujet (comme le Poker Planning).
- Donner une estimation des sujets sur lesquels nous voulons nous concentrer.
Et ensuite ?
Maintenant que nous avons une vision claire de la priorité et de la maturité de chaque élément, nous pouvons choisir le sujet sur lequel nous voulons nous concentrer.
- Sur quel sujet vais-je me concentrer dans ma feuille de route trimestrielle ?
- Quelle fonctionnalité répondra à quel point du tableau de maturité ?
- Combien de points de maturité vais-je gagner/perdre si j’implémente/rejette cette fonctionnalité ?
Nourrir ce tableau de maturité
À chaque étape du travail sur le produit et l’ingénierie, nous devons entretenir et améliorer le tableau de maturité.
- Lorsque nous lançons une fonctionnalité, nous devons accéder au nouveau niveau de maturité d’un sujet.
- Régulièrement, nous devons vérifier et revalider la priorité de chaque élément.
L’intégrer dans nos processus
Il reste encore quelques questions d’amélioration :
- Comment intégrer ce tableau dans notre processus Produit actuel ?
- Comment le lier à nos outils (Productboard, Zendesk,…) ?
Elle est voué à évoluer, s’affiner et s’améliorer, au fur et à mesure de ma pratique.
N’hésitez pas à repasser si l’envie vous en prend 😉
Post-face: des exemples de maturity table GitLab Maturity Table